"Sylvie", Les filles du feu

Gérard de Nerval

Je me représentais un château du temps de Henri IV avec ses toits pointus couverts d'ardoises et sa face rougeâtre aux encoignures dentelées de pierres jaunies, une grande place verte encadrée d'ormes et de tilleuls, dont le soleil couchant perçait le feuillage de ses traits enflammés. Des jeunes filles dansaient en rond sur la pelouse en chantant de vieux airs transmis par leurs mères, et d'un français si naturellement pur, que l'on se sentait bien exister dans ce vieux pays du Valois, où, pendant plus de mille ans, a battu le coeur de la France. J'étais le seul garçon dans cette ronde, où j'avais amené ma compagne toute jeune encore, Sylvie, une petite fille du hameau voisin, si vive et si fraîche, avec ses yeux noirs, son profil régulier et sa peau légèrement hâlée!...Je n'aimais qu'elle, je ne voyais qu'elle, - jusque-là! A peine avais-je remarqué, dans la ronde où nous dansions, une blonde, grande et belle, qu'on appelait Adrienne. Tout d'un coup, suivant les règles de la danse, Adrienne se trouva placée seule avec moi au milieu du cercle. Nos tailles étaient pareilles. On nous dit de nous embrasser, et la danse et le choeur tournaient plus vivement que jamais. En lui donnant ce baiser, je ne pus m'empêcher de lui presser la main. Les longs anneaux roulés de ses cheveux d'or effleuraient mes joues. De ce moment, un trouble inconnu s'empara de moi. - La belle devait chanter pour avoir le droit de rentrer dans la danse. On s'assit autour d'elle, et aussitôt, d'une voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée, comme celle des filles de ce pays brumeux, elle chanta une de ces anciennes romances pleines de mélancolie et d'amour, qui racontent toujours les malheurs d'une princesse enfermée dans sa tour par la volonté d'un père qui la punit d'avoir aimé. La mélodie se terminait à chaque stance par ces trilles chevrotants que font valoir si bien les voix jeunes, quand elles imitent par un frisson modulé la voix tremblante des aïeules.

PLAN

 

I. Magie du cadre, magie du passé

1) Cadre prestigieux et historique

- Temps historique (noblesse, rois... )

2) Le cadre du souvenir personnel

- Ambiguité entre rêve et souvenir

- L'imparfait met en scène le narrateur lui-même

- Enracinement local d'Adrienne et des figurantes

- Traditions transmises par le chant et la danse

II. Magie de la rencontre amoureuse

1) La rivalité de deux femmes

- Personnages antithétiques

- Sylvie est la petite fille du hameau, qui va disparaître derrière Adrienne. Parrallélisme car au début, l'auteur insiste sur son amour pour Sylvie

2) L'envoutement amoureux

- Envoutement de la danse avec la magie du cercle

- Champs lexical du toucher

- Le temps est annihilé ( + idée d'amour infini avec la magie du cercle)

- Baiser avec Adrienne

Retour